«Il n'existe aucun centre de prise en charge des TCA au Maroc»

«Il n'existe aucun centre de prise en charge des TCA au Maroc»


Source : L'observateur du Maroc
Le 25 - 06 - 2010
Article de Mouna Izddine

Interview du Dr. Farid Tadlaoui, Médecin nutritionniste à Casablanca.




Comment définir et reconnaître l'anorexie mentale ?

L'anorexie mentale est appelée ainsi car on est face à une absence d'affection somatique, autrement dit de maladie organique qui pourrait expliquer l'amaigrissement important du patient. C'est en somme une peur intense et pathologique de devenir obèse, et qui ne disparaît pas avec la perte de poids. L'anorexique a un comportement obsessionnel avec la nourriture, et se retrouve enfermé dans un rituel alimentaire d'exclusion permanent. L'anorexie mentale, qui est considérée comme telle à partir d'une diminution d'au moins 25% du poids initial, s'accompagne d'un trouble de l'image du corps : l'anorexique se perçoit comme gros(se), malgré sa maigreur, et est par ailleurs dans le déni de sa maladie. Ce trouble du comportement alimentaire touche principalement les filles (9 fois sur 10), entre 10 et 20 ans, les femmes ayant généralement un rapport plus émotionnel à la nourriture que les hommes.

Qu'en est-il de la prévalence de l'anorexie dans notre pays ?

Il n'existe pas de statistiques fiables à ce sujet, mais le Maroc ne fait pas exception à la règle, dans la mesure où on estime de 1 à 2% la proportion d'anorexiques parmi les jeunes filles. Et cette maladie connaît un essor inquiétant dans notre pays, comme partout où se pose le dilemme abondance de nourriture d'un côté, et idéal minceur de l'autre. En tant que médecin nutritionniste, je reçois de plus en plus d'adolescentes dans ce cas, avec parfois, des IMC (poids en kilos divisé par la taille en mètres au carré) dramatiques, inférieurs à 16 (un IMC normal se situe entre 18,5 et 25), et qui répètent avoir été obligées à consulter par leurs parents, en dépit de leur «santé parfaite». Ce sont souvent des filles qui refusent de grandir, ou transfèrent tout leur stress sur la nourriture.

Existe-t-il des centres spécialisés en troubles du comportement alimentaire (TCA) au Maroc ?

Hélas, non. Que ce soit l'anorexie, la boulimie, ou ces deux extrêmes combinés, les TCA sont considérés comme des pathologies de riches, sachant que nombre de mutuelles ne remboursent même pas les bilans. Or, il faut sensibiliser les autorités sanitaires et le grand public marocain sur la prévalence croissante dans notre pays de ces pathologies très sérieuses, mettant en danger le pronostic vital des patient(e)s. Si le tiers en effet des anorexiques guérit, un autre tiers bascule chroniquement entre rechute et équilibre, tandis que le dernier tiers va jusqu'à l'hospitalisation avec parfois traitement psychiatrique. Dans cette catégorie, 10% des patient(e)s décèdent par anorexie ou par suicide. Et tout l'enjeu du traitement (aide psychothérapique et nutritionnelle) réside dans la prise de conscience de l'anorexique de sa maladie. Les anorexiques comme les obèses morbides sont des cas médicaux difficiles, les plus désarmants pour nous autres médecins, dans le sens où ils nécessitent parfois des années de suivi rigoureux par une équipe pluridisciplinaire pour réapprendre au patient à s'alimenter sainement et à dissocier émotions et nourriture. D'où l'impérieuse nécessité, on ne le répétera jamais assez, de communiquer sur les TCA afin que soient créés des centres publics et privés dédiés aux TCA au Maroc.

Dr Youssef Mohi : «10% des anorexiques décèdent»

Dr Youssef Mohi : «10% des anorexiques décèdent»

Source : Aujourd'hui Le Maroc
Le : 2011-01-16 N° : 2348
Article de Salima Guisser



Selon Dr Youssef Mohi, l'anorexie mentale est multifactorielle et multidimensionnelle. Quant au sex-ratio, il est de neuf filles pour un garçon dans l'anorexie mentale post-pubère.


Comment définissez-vous l’anorexie mentale?

L’anorexie mentale est considérée comme une pathologie psychiatrique. Pourtant, ses complications somatiques sont multiples et parmi celles-ci, certaines peuvent être fatales. Depuis des décennies, la forme classique est celle de la jeune fille ou jeune femme, caucasienne, issue d’un milieu aisé, vivant en milieu citadin, dans un pays de culture occidentale. Pourtant, les études épidémiologiques récentes soulignent l’augmentation de prévalence des troubles du comportement alimentaire, leur extension à travers les classes sociales, dans des cultures et ethnies variées, dans le sexe masculin et à des âges différents, et en particulier chez l’enfant avant la puberté.

Quels en sont les principaux symptômes ?

Selon le Diagnostic Statistic Mental IV-TR (DSM), qui est une référence américaine, ces causes se manifestent à travers le refus de maintenir un poids corporel au niveau ou au-dessus d’un poids minimal pour l’âge et la taille. Il s’agit d’une perte de poids conduisant au maintien du poids à moins de 85% du poids attendu, ou incapacité de prendre du poids pendant la période de croissance conduisant à un poids inférieur à 85 % du poids attendu. Les anorexiques souffrent également d’une peur intense de prendre du poids ou de devenir gros alors que le poids est inférieur à la normale, une altération de la perception du poids ou de la forme de son propre corps, influence excessive du poids ou de la forme corporelle sur l’estime de soi, ou déni de la gravité de la maigreur actuelle. Chez les femmes post-pubères, ces critères se manifestent à travers une aménorrhée.

Quels sont les facteurs favorisant l’apparition de ces symptômes ?

L’anorexie mentale n’est pas une maladie nouvelle et sa cause est inconnue, et, même si le trouble commence à l’occasion d’un événement familial ou lors de moquerie par un pair, l’hypothèse d’une cause unique a été abandonnée depuis longtemps. L’anorexie mentale est multifactorielle et multidimensionnelle. Selon le modèle bio-psycho-social souvent cité, on peut dire qu’il existe d’abord des facteurs de risque : biologiques et génétiques et des facteurs psychologiques individuels et familiaux. On cite aussi des facteurs socioculturels et des facteurs précipitants : événements familiaux, ainsi que des interventions de l’environnement (familiales, amicales, sociales, etc.) et parfois les premiers signes de puberté. On relève aussi des facteurs de maintien : par exemple, la dénutrition elle-même entraîne des modifications psychologiques, l’environnement se réaménage autour de la maladie, etc. Parmi les facteurs de risque familiaux, il est important de souligner le rôle de l’existence de troubles du comportement alimentaire chez les parents, d’autant que l’on a décrit une continuité entre troubles de l’enfant, de l’adolescent et de l’adulte. Les difficultés alimentaires durant l’enfance et l’adolescence sont prédictives d’un trouble du comportement alimentaire chez l’adulte.

Quel est le sexe le plus touché par la maladie ?

Alors que dans l’anorexie mentale post-pubère, le sex-ratio est de neuf filles pour un garçon, dans l’anorexie prépubère on estime que 19 à 30 % des cas concernent des garçons. Les symptômes sont les mêmes que chez les filles au plan alimentaire avec rejet du gras. En revanche, les préoccupations sont différentes, avec idéalisation des corps des athlètes et des culturistes et hyperactivité physique par admiration de leur musculation. Contrairement à ce qui a pu être écrit autrefois, le pronostic n’est pas plus grave chez le garçon que chez la fille. L’existence d’une obésité ou d’un surpoids ayant entraîné des moqueries de la part des pairs du fait de son manque d’agilité et de son côté lourdaud est un facteur plus souvent signalé chez le garçon lors du démarrage de la restriction alimentaire.

L’anorexie mentale est-elle une pathologie occidentale inhérente à la mode ?

Les aspects socioculturels ont évolué ces dernières années. Jusque dans les années 1970, on disait ne pas connaître de cas dans la race noire. Puis vinrent des publications décrivant des cas au sein de minorités ethniques des pays de culture occidentale et surtout dans des pays de cultures non occidentales : Afrique, Moyen-Orient, Inde et pays asiatiques, etc. suggérant un rôle de la pénétration des valeurs occidentales (culte de la minceur, mode, etc.) dans ces pays, soit par le biais de l’occidentalisation, soit par le biais d’une confrontation au choc entre valeurs traditionnelles et nouvelles valeurs. Les publications concernant les pays asiatiques attirent l’attention sur des nuances symptomatologiques, sur le rôle de l’urbanisation, sur la recherche de la minceur, y compris dans les populations d’âge scolaire.

Quel traitement préconiser dans ce cas?

Le traitement associe idéalement quatre types d’interventions : un suivi médical, un suivi nutritionnel, un suivi psychiatrique et une prise en charge familiale. On peut atteindre, ainsi, 30 à 50% de guérison sans séquelles. 10 à 20% restent maigres et socialement fragiles. Alors que 10 à 15% ne guérissent pas, 5% associent une anorexie-boulimie et 10% décèdent.

Isolement : la fable du renard dans le tronc d'arbre

"Un renard affamé avait aperçu des morceaux de viande que des bergers avaient laissé dans le creux d'un chêne. Il y pénétra et les mangea. Mais comme son ventre enflé ne lui permettait plus de sortir, il se mit à gémir et à se lamenter. Un autre renard, passant par-là, entendit ses plaintes et s'approcha de lui pour en demander la cause. Lorsqu'il apprit sa mésaventure : " Reste donc là-dedans, lui conseilla-t-il,  jusqu'à ce que tu redeviennes tel que tu étais en entrant. Ainsi, tu sortiras sans peine ! "
D'après une fable d'Esope.

Et vous ? Si vous étiez à la place du renard "coincé" dans l'arbre  creux, que feriez-vous pouvoir sortir enfin ?
Cette fable est une métaphore qui évoque un pièce dans lequel certaines personnes boulimiques tombent parfois, ainsi que le moyen d'en sortir.
Dans le tronc d'arbre, se trouvent nourriture et gourmandises. Les personnes en question mangent trop. Ensuite la prise de poids les tient enfermées chez elles. Pour peu qu'elles soient ravitaillées régulièrement par elles-mêmes, par la famille ou le conjoint, elles resteront captives. Leur espace de vie s'en trouvera ainsi limité. Elles se trouvent alors prises dans une contradiction : elles voudraient bien en sortir et êtres légères, minces et libres, mais en même temps elles ne peuvent s'empêcher d'absorber de la nourriture hyper-calorique qui les maintient dans leur isolement.
Ce qui les tient enfermées, c'est aussi les croyances, les habitudes alimentaires, l'exigence de la mode et l'action marketing de l'industrie alimentaire. 
Pour sortir, nous dit cette histoire, il faut essentiellement cesser de se lamenter dans l'excès de nourriture et savoir repérer ses vrais besoins plutôt que d'anesthésier notre esprit par la nourriture et autres drogues.
Mais cette lucidité n'est pas évidente pour celle qui vivent dans l'enfer des troubles de la conduite alimentaire. 

C'est pour cela que Hayna vous propose une écoute et un soutien qui vous aideront à sortir la tête de votre cercle infernal.







Comme un courant d'air à la mode

Le tight gap, cet écart entre les cuisses, est devenu un must chez les jeunes adolescentes anorexiques.
L'objectif est d'avoir un écart entre les cuisses le plus grand possible lorsqu'on se tient les pieds joints et les fesses cambrées. Cette position est typique lors des shooting de mode car elle permet d'affiner la taille, aplanir le ventre et donner l'illusion de cuisses plus fines : pour exemple, regardez la campagne photos de H&M lors de l'été 2013, avec Beyonce en vedette pourtant bien connue pour ses cuisses généreuses.


Des starlettes telles que Kate Moss, Cara Delevingne ou Alexa Chung sont alors idolâtrées par des millions de jeunes filles adeptes du thigh gap. Elles sont élevées au rang de modèles sur les réseaux sociaux pro-anorexie.
Cette nouvelle lubie dépasse l'entendement quand on sait que toutes les morphologies ne sont pas adaptées pour avoir cet écart entre les jambes.


Kookaï : la folie publicitaire

Lorsqu'une marque de vêtements lance comme slogan "Hungry but chic" (affamée mais chic), peut-on imaginer une seule seconde qu'elle ne fait pas l'apologie de la restriction alimentaire ?

En 2012, lorsque cette campagne publicitaire a fait le "bad buzz", Kookaï s'est défendue de pousser ses clientes à l'anorexie, mais il faut bel et bien croire que cette fois-ci, les diktats alimentaires ont quitté les podium des défilés pour arriver jusque dans nos dressings.





Témoignage : "Boulimique, libérée par une parole..."


Depuis quelques années, la nourriture dirige ma vie. Elle me hante, elle m'obsède. J'y pense dès le réveil, et je n'arrive à m'endormir le soir qu'après mettre épuisée par de nombreuses crises de boulimie vomitive.

J'ai lentement développé ce côté obscur de ma personnalité vers l'age de 23 ans.
Au début, je voulais maigrir et je pensais tout maîtriser. Après quelques mois de cette sale habitude, j'ai perdu le contrôle. Je ne me sentais pas malade, je ne me sentais pas folle. Je sentais que la boulimie c'était moi. Elle me qualifiait, elle avait pris ma place. J'étais devenue terne, éteinte et solitaire. Seule la nourriture m'accompagnait jour et nuit, où que j'aille.
J'ai mis plusieurs années avant de me décider à consulter un thérapeute au sujet de cet horreur qui rythmait mes journées. J'étais allée trop loin pour m'en sortir toute seule, il me fallait de l'aide. Il a suffit de ces premiers mots échangés dans l'intimité de son cabinet, et tout a changé : je me suis sentie revenir. Par la suite, tous ceux avec qui j'ai trouvé le courage de parler de ma boulimie m'ont pris par la main, moi, et non pas elle.
Je ne suis pas encore tout à fait guérie, mais j'ai réussi à rompre les liens qui me retenaient isolée dans cette prison glauque. Je reviens à moi-même.

Samia B.

Jane Fonda : une survivante de la boulimie



En 1982, aux États-Unis, à l’occasion de la sortie de sa vidéo "Ma Méthode" qui allait révolutionner l’industrie du "fitness” Jane Fonda, icône du cinéma américain, dévoile à la presse son passé de boulimique.
" Vingt-trois ans d'agonie. C'est une chose dont je n'ai encore jamais parlé. Jamais. Et la seule raison pour laquelle je le fais à présent, c'est que ce mal se répand aujourd'hui dans d'énormes proportions : 20 à 30 % des femmes américaines en souffrent en ce moment. La boulimie détruit leur vie. Croyez-moi, je sais... », confia-t-elle en 1985 au magazine Cosmopolitan.
Cette déclaration fit l'effet d'une bombe. Jusqu'alors, toutes les femmes américaines boulimiques vivaient cachées, dans la honte.
Mais puisque « Barbarella » en personne, au corps et au sourire si parfaits, avait osé dire que sur les plateaux, entre ses films, elle avait passé son temps à manger, vomir, remanger, revomir du matin au soir, au point que sa vie en avait été saccagée, toutes les autres femmes concernées se sont, elles aussi, senties le droit d'en parler.


Marilyn Monroe : glamour et boulimie


Sous le nom de Marilyn Monroe, Norma JEan Mortensen, est encore aujourd'hui une icône glamour.
Pourtant, observez le regard illuminé de Marilyn. Elle jouait à la star, mais la star, pour elle, c'était la personne qu'elle regardait. Dotée d'atouts extérieurs extraordianaires, elle se parait d'artifices pour cacher son vide intérieur et son immense fragilité.

Elle s'attachaient alors à des hommes mûrs et sécurisants. Elle ne se reconnait pas dans cette femme puissante que le public acclamait et avait besoin d'être rassurée en permanence : la peur de ne pas être aimée, le besoin frénétique de plaire, de fusionner avec l'autre pour se sentir exister, mêlé d'un énorme sentiment de dévalorisation. Marilyn ne s'aimant pas elle-même ne peut pas imaginer qu’elle est digne d'amour. La seule valeur personnelle qu'elle se soit jamais reconnue est le désir physique qu'elle inspirait aux hommes. Ses amants rapportent qu'elle faisait passer au second plan son propre plaisir sans atteindre l'orgasme, tant elle avait besoin d'approbation et de tendresse.

« - Ma pauvre Lena, confia-t-elle un jour à sa femme de chambre, jamais plus personne ne voudra m'épouser, je ne suis bonne à rien, je ne peux pas avoir d'enfant, je ne suis pas femme d'intérieur et j'ai déjà divorcé trois fois. Qui voudrait encore de moi?»
« - Des millions d'hommes ! »
« - Oui, mais qui m'aimera, qui ? »

On renvoie ses angoisses au fait qu'elle n'ait pas connu son père, qu'elle ait eu une mère dépressive, qu'elle soit sans arrêt passée d'orphelinats en foyers. Mais chez Marilyn, comme chez les personnalités boulimiques, cette peur viscérale de vivre renvoie à un déséquilibre relationnel avec la mère lors des premières semaines de la vie, qui empêche l'enfant de ressentir la confiance en l'autre et la confiance en lui-même dont il a besoin pour développer ce qui deviendra un jour sa véritable identité.Les personnalités boulimiques sont inconsciemment en symbiose avec leur mère et le manifestent soit dans la soumission soit dans la rébellion aux valeurs maternelles. Marilyn, parce que sa mère était « folle », a cru toute sa vie que tel serait aussi son destin. D'où sa volonté frénétique de cacher à quel point elle était perdue.

Doutant d'elle-même, mettant un temps fou à s'habiller, se trouvant des défauts physiques, n'osant pas sortir de chez elle quand elle a grossi, Marilyn était sans aucun doute boulimique. Il suffit de regarder les photos de sa carrière qui révèlent ses importantes variations de poids. Régulièrement, on doit lui réajuster sa garde-robe. Au moment de la sortie de Certains l'aiment chaud, elle ne pèse 70 kilos et porte du 42. Elle était désespérée et piquait des crises de nerfs en découvrant à quel point elle s'est laissée grossir. Elle prenait des pilules pour dormir, d'autres pour se réveiller, traînait chez elle sale et négligée. Malgré les excellentes critiques, elle ne retenait qu'une seule chose : si les gens riaient, c'est parce qu'elle était trop bête et trop grosse !

Marylin Monroe en 1958, à la période du tournage de Certains l'Aiment Chaud
Pourtant, seule de sa femme de chambre parle de ses crises de boulimie dans l'intimité :
« Jamais je n'ai vu personne avaler autant. Un jour ce sont trois oeufs et des toasts, trois hamburgers, trois assiettes de frites, deux chocolats au lait, une énorme côte de veau, deux grosses portions d'aubergine au parmesan et quatre parts de pudding au chocolat, le tout arrosé de champagne, et servi dans son lit - seule. Elle a tellement faim qu'elle fait plusieurs allers-retours entièrement nue dans la cuisine, où Hattie et moi nous dépêchons (...), grignotant au passage tout ce qu'elle rencontre sur son chemin. »

Anorexie, boulimie : les orthodontistes peuvent alerter

Anorexie, boulimie : les orthodontistes peuvent alerter

Source : Le Figaro, par Marie-Noëlle Delaby le 15/11/2013

Premiers professionnels de santé des 12-16 ans, les orthodontistes sont en première ligne pour repérer les symptômes des troubles du comportement alimentaire chez les adolescents.

La France compte actuellement 2200 orthodontistes qui soignent environ 900.000 enfants et adolescents par an. Seuls professionnels de santé à voir aussi régulièrement cette tranche d'âge dans son ensemble (les soins dentaires sont remboursés jusqu'à 16 ans), les spécialistes de nos bouches soulignaient à l'occasion des Journées de l'orthodontie les 9 et 10 novembre à Paris que cette place privilégiée leur donne également un rôle de sentinelles vis-à-vis de la santé mentale des jeunes.

Chez les 12-20 ans, la fréquence des troubles du comportement alimentaire (TAC) est en augmentation. Touchant majoritairement les classes moyennes et hautes, à raison de 7 filles pour 3 garçons, anorexie et boulimie concerneraient entre 12 et 14 ans près d'une jeune fille sur 200.

«Dans ces troubles qui peuvent être très graves, le pronostic est souvent lié à la détection précoce de la pathologie et au dialogue qui peut s'instaurer entre les patients, leurs parents, et les professionnels de santé», explique Claude Bourdillat, présidente du syndicat des spécialistes français en orthopédie dento-faciale. «En effet, une prise en charge rapide permet une bonne récupération pour le patient dans 44% des cas», précise-t-elle.

Email érodé et caries dentaires

À raison d'une consultation toutes les 5 à 6 semaines, généralement pendant 2 à 3 ans, l'orthodontiste effectue un suivi de ces jeunes patients à la fois régulier et suffisamment espacé pour remarquer des changements dans leur comportement ou leur apparence (amaigrissement ou prise de poids inquiétants). Un recul que les parents et enseignants qui les côtoient quotidiennement sont moins susceptibles d'avoir, estime la fédération.

L'orthodontiste peut également être le premier à détecter ces troubles caractérisés par des dégradations orales. Les manifestations buccales peuvent être des érosions de l'émail dentaire ou une altération des muqueuses provoquée par des vomissements répétés. Mais aussi, en cas de boulimie, une consommation excessive de sucreries ou de boissons très sucrées, (soda, jus de fruit, etc..) qui peut également entraîner des modifications de la flore buccale.

Poser les bonnes questions

«Avec l'orthodontie, nous touchons à la sphère orale, siège de beaucoup d'émotions surtout chez des individus en pleine mutation. Il existe d'ailleurs un paradoxe car certains patients prendront le traitement orthodontique comme alibi pour ne pas manger, alors que d'autres prendront subitement du poids», analyse Claude Bourdillat.

«Les orthodontistes ne détectent pas seulement des manifestations buccales de troubles alimentaires, mais un comportement général qui peut être lié à d'autres troubles psychiques chez l'enfant ou l'adolescent», estime Olivier Revol, pédopsychiatre à Lyon et présent aux journées de l'orthodontie afin de donner à ces professionnels des clés de compréhension. «En effet, certaines pathologies psychiatriques, comme la dépression ou l'hyperactivité, sont sous-évaluées chez l'enfant et l'adolescent. Dans ce contexte, il est intéressant d'apprendre aux orthodontistes à poser les bonnes questions aux parents comme aux patients pour dépister ces troubles et permettre d'orienter vers le bon spécialiste», poursuit le médecin.

Bien sûr, les orthodontistes ne sont pas des professionnels de ces pathologies, rappelle la fédération, mais il est important qu'ils sachent écouter le patient, établir le dialogue et l'orienter vers les personnes compétentes. «Il en va de notre devoir médical», conclut Claude Bourdillat.

La légende de Hayna


Hayna, la jeune fille et le Ghoul

Ce conte marocain est un modèle de morale universelle où se mêlent des valeurs humaines telles que l'amour, le dépassement de soi pour l'autre, le courage, la loyauté et la persévérance. Il témoigne aussi de la vulnérabilité de la femme lorsque celle-ci est tellement surprotégée qu'elle n'est alors plus capable de faire face aux difficultés et aux accidents de la vie.
Toutes ces péripéties de la vie sont évoquées à travers l'histoire de deux fiancés, Adil et Hayna, séparés après l'enlèvement de la jeune femme par l'éternel représentant du mal : el Ghoul (l'Ogre). 
Les contes d'ogres nous rappellent en général la dualité du bien et du mal qui est en nous. Ils nous rappellent aussi notre capacité de nous dépasser par amour et pour le bien d'autrui. Dans ce conte, l'ogre qui retient Hayna, sans qu'elle ne cherche à s'enfuir, connote peut-être que la femme et le monstre ne sont en fait qu'un seul individu qui manifeste à la fois sa vulnérabilité et son autodestruction.
La quête de Adil pour libérer Hayna est alors rythmée par sa célèbre réplique : "Haya, ya Hayna, ach 3chak lilla ?" ("Hayna, ô Hayna, de quoi dînes-tu ce soir ?").



و ماجيتكم حاجيتكم

Dans un village du Maroc, tout près d'une grande et profonde forêt de chênes lièges, vivait Hayna et sa famille. Hayna était belle, heureuse et amoureuse de Adil qui l'aimait en retour.
Lorsque celui-ci du se rendre dans un village lointain pour apprendre le Coran, il promit de l'épouser dès son retour.

Un jour, les filles du village se rassemblèrent pour aller ramasser du bois dans la forêt. La mère de Hayna refusa de laisser sa fille sortir de la maison avant le retour de son fiancé. Les filles insistèrent et voyant Hayna en sanglots, sa mère accepta de la laisser sortir sans oublier de lui donner des conseils et de la mettre en garde contre les dangers de la forêt à la tombée de la nuit.

Il faisait très beau ce jour-là et dans la journée personne n'avait peur de la forêt. Les filles commencèrent à rassembler des branches mortes en chantant. Alors qu'elles ramassaient du bois, l'une d'entre elles trouva un collier. Une deuxième trouva un bracelet. Une troisième trouva une bague. Hayna trouva quant à elle un tison en or. Elle accrocha le tison à son ballot, mais il tomba. Elle le ramassa et l'accrocha à sa ceinture, mais il tomba de nouveau. Elle tentait désespérément de le ranger mais il tombait à chaque fois. A travers la forêt, ses amies prenaient de l'avance et s'éloignaient d'elle petit à petit.
En fin d'après-midi, une fois les fagots de brindilles ficelés, toutes les filles se préparaient à reprendre le chemin du village mais Hayna n'arrivait pas à lier ses fagots et ne pouvait pas les rejoindre.
Le soir approchait et le ciel se couvrait rapidement d'épais nuages noirs. Le tonnerre gronda, un orage allait éclater. Tout à coup, dans l'obscurité qui envahissait l'épaisse forêt, un Ghoul (ogre) apparu. Toutes les jeunes filles s'échappèrent en criant. Hayna, encombrée par ses bûches mal ficelées se fit vite rattraper par le Ghoul qui se précipita vers elle. Il l'attrapa d'un seul bras et l'emporta dans sa tanière...

Un jour, Adil revint de son voyage. On lui raconta que Hayna était morte et on lui montra une fausse tombe en jurant que c'était là la tombe de Haina. Adil prit alors l'habitude de s'asseoir au bord de la tombe et de lire le Coran. Un jour, une vieille femme qui faisait paître ses vaches, laissa s'échapper l'une d'entre elles qui alla piétiner la tombe. Adil lança une pierre pour faire fuir la vache. C'est à ce moment que la vieille femme lui annonça que ce qu'il protégeait n'était pas la tombe de sa fiancée, mais seulement un morceau de pierre caché sous la terre. Il creusa alors la terre jusqu'à ce qu'il découvre la pierre cachée.

Il se rendit furieux chez sa mère et lui la força à lui dire où était passée Hayna. Celle-ci lui avoua finalement qu'elle avait été enlevée par le Ghoul.  Adil enfourcha son cheval et parti aussitôt à la recherche de sa bien-aimée.
Arrivé devant une colline bleue, il lui demanda :
- Oh colline bleue, pourquoi deviens-tu encore plus bleue ?
- C'est parce que Hayna est passée par ici.
Arrivé devant une colline verte, il lui demanda :
- Oh colline verte, pourquoi deviens-tu encore plus verte ?
- C'est parce que Hayna est passée par ici.
Arrivé devant une colline orange, il lui demanda :
- Oh colline orange, pourquoi deviens-tu encore plus orange ?
- C'est parce que Hayna est passée par ici.
Arrivé devant une colline jaune, il lui demana :
- Oh colline jaune, pourquoi deviens-tu encore plus jaune ?
- C'est parce que Haina est passée par ici.
Lorsqu'il arriva à la colline blanche, il demanda :
- Oh colline blanche, pourquoi deviens-tu encore plus blanche ?
- C'est parce que Haina habite ici.

Adil aperçu alors une maison sur la colline, la maison du Ghoul. Il s'approcha prudemment et aperçu un coq auquel il demanda d'informer Hayna de sa visite. Le coq entra dans la maison pour la prévenir mais Hayna ne le crut pas. Il retourna voir Adil qui lui dit :
- Dis moi, que fait Hayna en ce moment ?
- Elle tisse la laine et le Ghoul est parti à la chasse.
- Alors retournes-y, emêle tes griffres dans la laine et reviens par ici. Elle te suivra.
Hayna découvrit ainsi son fiancé et fut envahie de soulagement. Cependant, elle lui dit tristement :
- Tu as pris tant de risques, mais le Ghoul reviens bientôt. Tu dois te cacher.
Elle cacha alors Adil dans un cellier. Lorsque le Ghoul arriva, il renifla et dit à Haina :
- Hayna, traitresse ! L'odeur de l'intrus est dans ma maison !
رِيحة القَصْرِي و النّصْرِي لغْرِيبْ دْخَلْ لدَّارْ هَيْنَة و يَا لْغَدَّارْ
- Il n'y a ni intrus ni personne. Voici mes cheveux, prends les et allons nous coucher.
Le Ghoul avait l'habitude de s'endormir en tenant la longue chevelure de Hayna dans son épaisse main velue pour l'empêcher de s'échapper pendant son sommeil. Alors qu'il dormait profondément, Adil sortit de sa cachette pour délivrer Hayna. D'un coup de couteau, il coupa les cheveux qui retenaient Hayna prisonnière. Ainsi délivrée, Hayna se précipita pour jeter du sel sur tous les ustensiles magiques de la maison qui pourrait prévenir le Ghoul de sa fuite, mais elle oublia d'en mettre sur le pilon.   Alors qu'elle s'installait sur le cheval de son ficancé, qui les attendait dehors, le pilon se mit à crier :
- Tan tan, la tête qui ne s'éveille pas, tan tan, Hayna s'est enfuie !
طَّنْ فِي رَاس ماَ يْفْطَنْ هيْنَة مْشَات
L'ogre se réveilla brusquement et les poursuivit en vain jusqu'à l'épuisement. Résigné, il leur lança alors : "Si vous voyez deux corbeaux qui s’entre-tuent ne les séparez pas. Si vous voyez deux montagnes qui s’accrochent, ne passez pas entre elles."

Mais Adil passa outre les recommandations du Ghoul. Il passa tout de même entre les deux montagnes et il perdit alors son cheval. Lorsqu'il sépara les deux corbeaux, il fut dévoré par l'un deux et se transforma lui-même en corbeau, tandis que Hayna fut transformée en chienne. Elle fut alors adoptée par une famille de chasseurs qui vivaient dans une maison non loin de là.
Tous les soirs, Adil sous forme de corbeau venait prendre des nouvelles de sa bien-aimée :
- Hayna, ô Hayna, de quoi dînes-tu ce soir ?
هينة...وا هينة ! آش عشاك الليلة ؟
- Mon dîner est de dormir avec les chiennes.
عْشايَ نُخَّالَة و رْڮَادِي بَيْنْ لخْوَالَفْ 
- Quelle tristesse...
قَرْحِي بُويا قرْحي أمي

Un jour pourtant, le père de famille demanda à sa femme de préparer un bon dîner pour la chienne et de la faire dormir parmi ses filles. Ce soir-là, le corbeau revint poser la même question :
- Hayna, ô Hayna, de quoi dînes-tu ce soir ?
هينة...وا هينة ! آش عشاك الليلة ؟
- Mon dîner est prêt et cette nuit je dors entre les filles.
عشاي فتات ورقادي بين البنات
- Quelle joie !
 فَرْحِي بُويا فرْحي أمي

La légende de Adil et Hayna se répandit jusqu'aux oreilles du père de famille qui reconnut là son propre fils disparu. Il demanda alors conseil à un vieillard du village qui lui suggéra d'égorger un boeuf noir sans aucune tache blanche et d'inviter tous les oiseaux à dîner. Ainsi viendrait le corbeau qui a absorbé son fils et lorsqu il mangerait du boeuf, il ne pourrait plus s'envoler et le sors pourrait être levé.

Le père égorgea le boeuf comme on le lui avait conseillé et invita tout les oiseaux à dîner. Lorsque le corbeau arriva à son tour et mangea parmi eux, il ne pu s'envoler. Le père lui demanda alors :
- Rends-moi mon fils.
- Je te le rendrai aveugle !
- Rends-moi mon fils comme tu l'as pris.
- Je te le rendrai boiteux !
- Rends-moi mon fils comme tu l'as pris.
Enfin le corbeau se résigna à libérer Adil sain et sauf comme le désirait son père.

Lorsque Adil revint auprès de sa famille, il leur annonça qu'il voulait épouser la chienne. Dans l'enthousiasme des retrouvailles, personne ne pu le contrarier. Il emmena alors la chienne au bain et lui demanda de retirer sa peau. Hayna reprit soudain sa forme humaine et leur mariage fut célébré durant sept jours et sept nuits...

و امشات احجايتي مع الواد...