Survivre dans le déni : dissimulations et manipulations

 
Lorsque les troubles du comportement alimentaire (TCA) débutent par un régime, une envie de perte de poids rapide, la personne concernée pense avoir le total contrôle de la situation et de son corps. Elle s'inflige une restriction alimentaire ou des actes compensatoires violents qui lui garantissent une perte de poids immédiate et grisante.

"Je m'arrêterai quand j'aurai perdu 5 kilos... dans un mois, j'arrête."

Un mois, ou plus précisément 21 jours, c'est exactement le temps nécessaire à une mauvaise habitude pour s'installer durablement dans notre esprit et notre comportement. D'après les études neurolinguistiques, c'est le temps nécessaire pour que l'anorexie ou la boulimie devienne une seconde nature, et que le contrôle nous échappe subrepticement.

Pourquoi faut-il que tant de personnes se murent dans le déni de leur souffrance ?

Il ne suffit pas d'avoir traversé un viol, un inceste ou un traumatisme particulier pour tomber dans le piège des TCA. Certaines personnes souffrant de ces troubles ont en apparence tout pour être heureuses, mais manquent d'un petit quelque chose (attentions familiales, amour, amitiés, estime de soi...) qui les pousse à se murer dans ces formes d'auto-mutilation.

La perte de poids dans les cas d'anorexies-boulimies entraîne une telle euphorie et un tel sentiment de puissance que la personne ne se sent ni malade ni victime. Elle rejette toute forme d'aide extérieure ou toute remarque relative à son comportement alimentaire.

La prise de poids lors de boulimies sans actes compensatoires est souvent justifiée par une période passagère de gourmandise ou d'appétit vorace, un besoin temporaire de se conforter avec de la bonne nourriture face aux difficultés du quotidien. Certaines personnes qualifient même leur comportement d'épicurien : "On ne vit qu'une fois après tout, autant profiter des bonnes choses !"

Ce déni nous affaiblit face à ces maladies pernicieuses. Il se transforme alors progressivement en impuissance et en honte. La honte de se retrouver pris au piège après avoir fièrement dit ou pensé que l'on contrôlait la situation. La honte de se retrouver seule face à des agissements que l'on ne comprend pas. La crainte de la folie lorsque la voix de l'anorexie ou de la boulimie résonne dans notre tête exigeant de nous des restrictions ou des compulsions de plus en plus violentes.

C'est à ce moment-là que l'on n'ose plus du tout en parler et que l'on continue de se murer dans le silence et la solitude. C'est à ce moment-là que l'on échafaude des stratagèmes pour dissimuler nos troubles à notre entourage, que l'on s'évertue à masquer nos tristesses et afficher une jovialité à toute épreuve. C'est à ce moment-là que l'on se surprend à manipuler nos proches de sorte à éviter qu'ils ne fassent irruption dans notre secret. On identifie alors les emplois du temps de chaque membre de la famille de sorte à planifier ses repas ou ses crises en toute solitude. On vole de la nourriture, on masque les odeurs, on cache la maigreur, on prétend avoir déjà mangé à l'extérieur, ...

Apprenons à observer nos proches lorsque leur comportement alimentaire dérive.
Apprenons à avoir confiance en ceux qui se font du soucis pour notre santé et son prêts à nous écouter.

Sachez que lorsque le déni s'efface, il laisse place à une véritable renaissance : un premier pas dans le processus de guérison.

Les troubles du comportement alimentaire, parlons-en !

Approche épidémiologique de la boulimie et du comportement alimentaire inhabituel en milieu universitaire à Marrakech


Epidemiologic approach of bulimia and unusual eating behaviour in the University of Marrakech (Morocco)
Doi : 10.1016/j.amp.2010.09.001 
Auteurs : F. Manoudi  , I. Adali, F. Asri, I. Tazi
Disponible ici

Résumé


La fréquence de la boulimie et la gravité de ses conséquences en font un problème de santé publique. Dans le but d’étudier la boulimie et le comportement alimentaire inhabituel (CAI) chez les étudiantes universitaires, nous avons mené une enquête auprès de 480 étudiantes dans quatre universités et une école de l’enseignement supérieur. La prévalence de la boulimie était de 4 %, celle du CAI était de 63,8 %. La boulimie était sévère chez 21,05 % des étudiantes. Le coupe-faim était le moyen le plus utilisé chez les deux groupes d’étudiantes. Les étudiantes de la faculté de médecine avaient plus de boulimie et de CAI. Les étudiantes boulimiques avaient plus un surpoids, et celles avec CAI avaient plus une corpulence normale. En conclusion, le mode de vie n’avait pas d’influence sur la boulimie et le CAI, et la dépression était fréquente dans les deux groupes.

Plan


Introduction
Sujets et méthodes
Résultats
   Caractéristiques de la boulimie et du comportement alimentaire inhabituel
   Profil des étudiantes boulimiques
   Profil des étudiantes avec comportement alimentaire inhabituel
Discussion
   Étudiantes boulimiques
   Étudiantes avec comportement alimentaire inhabituel
Conclusion
Conflit d’intérêt


© 2010  Publié par Elsevier Masson SAS.

«La boulimie au Maroc touche énormément de femmes»


«La boulimie au Maroc touche énormément de femmes»


Source : Aujourd'hui Le Maroc
Le 2011-01-30 N° : 2358
Article de Kawtar Tali



Selon la nutritionniste Bouchra Amsaguine Aouni, le travail sur soi est le seul remède à la boulimie. Ainsi, il faut savoir se connaître et identifier là où le bât blesse.

Que veut-on dire par boulimie ?

La boulimie reflète l’état d’une personne qui mange sans arriver à une satiété. C’est une sensation de faim continuelle. A force de manger, l’estomac commence à augmenter de volume, et ce pour recevoir les aliments qui arrivent en masse. Ce qui provoque souvent des sensations de nausées et de vomissements. Je tiens à préciser dans ce sens que la boulimie n’est ni héréditaire ni génétique. C’est un déséquilibre fonctionnel qui est le résultat d’un système environnemental défaillant.

Qu’est-ce qui explique cette obsession de manger ?

Généralement, toute personne normale a sa petite dose de stress et sa petite dose de joie. Ainsi, elle n’est pas censée être boulimique. Cependant, les boulimiques optent pour la nourriture en tant que système de compensation. Pour eux, le fait de manger est une expression de mal-être. On va mal donc systématiquement on mange et cela continue au point de devenir une obsession.

A quel âge se déclenche-t-elle?

La boulimie n’a pas une limite d’âge . On peut être boulimique à 3 ans comme on peut l’être à 40 ans. Tout dépend des facteurs environnementaux . Il suffit juste d’un élément déclencheur pour que la boulimie surgisse. D’après mon expérience, je dirai qu’on est plus boulimique à l’adolescence qu’à n’importe qu’elle étape de la vie. La personne, à ce moment là, est en quête de soi . Du coup elle ne se sent pas bien dans sa peau. Et par conséquence, elle compense son désarroi en mangeant.

Les vomissements sont-ils un symptôme déterminant ?

On peut être boulimique sans pour autant vomir. Les vomissements indiquent un autre stade de la boulimie. Lorsqu’on commence à vomir, cela veut dire clairement qu’on est entre l’anorexie et la boulimie. On passe au vomissement pour garder sa ligne ainsi la balance change de sens. C’est-à-dire on mange en grande quantité en contre-partie, on vomit plus qu’il n’en faut. Cela traduit une prise de conscience par rapport à son organisme, à soi et à son image. Ainsi, on se retrouve avec zéro calorie par jour tout simplement parce qu’on veut perdre du poids après des crises de boulimie.

Comment peut-on déterminer une crise de boulimie ? Et y a-t-il une composante hormonale qui rentre en jeu ?

Tout d’abord, il est utile de déterminer les signes précurseurs d’une crise de boulimie. Outre l’envie incessante de manger, la crise peut être précédée par des maux de tête.
De ce fait, on a envie de manger pour se sentir mieux. S’agissant de la composante hormonale, elle est apparente dans le fait que la boulimie soit relative à la période de la menstruation. Dans ce cas, la situation devient relativement compliquée. On ne peut pas résister aux hormones qui nous dévorent de l’intérieur. En somme les fréquentes crises de boulimie sont liées au stress. Donc, il faut apprendre à le gérer.

Les femmes sont-elles les plus exposées à la boulimie ?

La boulimie sévit équitablement. Mais elle reste relative au milieu où la personne se développe. Ainsi, là où on est mal servi on est exposé à la boulimie. Contrairement aux États- Unis, la boulimie au Maroc touche énormément de femmes. De par sa condition de vie précaire, la Marocaine a tendance à avoir une prédisposition à la boulimie. La femme marocaine continue toujours de se sacrifier pour son entourage sans pour autant prendre soin d’elle. De ce fait, la seule chose qu’elle pourra faire pour elle-même c’est de manger.

Y a-t-il des statistiques nationales dans ce sens ?

Non, pas à ma connaissance. Au Maroc, on ne peut avoir aucun chiffre sur lequel se baser pour prendre des décisions. On se réfère généralement à nos conclusions personnelles. Personnellement, je reçois beaucoup de femmes boulimiques. Sur le plan national, la femme n’a pas où se défouler à part les salles de sport et encore si elle a du temps à cela. De même, on a éduqué nos filles à encaisser tous les maux du monde sans émettre la moindre réaction. Malgré cela, elles sont toujours sujettes à des remarques négatives. Et par la suite, on se permet de la traiter d’obèse ou de grosse.
Tous ces facteurs détruisent la personne et la poussent à sombrer dans une boulimie. Après tout, on n’est pas boulimique gratuitement. Les blessures et la maltraitance sont tellement profondes qu’on peut les voir à l’œil nu. Donc pour ces personnes , le fait de manger apaise tous les maux.

Comment évaluez-vous l’impact de la boulimie ?

L’impact de la boulimie est considérable. La personne commence à prendre du poids, elle ne s’aime plus et culpabilise tout le temps. Cela va de pire en pire ce qui donne cette équation de «je mange, je grossis et je déprime». C’est un labyrinthe.

Quelles sont les thérapies appropriées à ce genre de maladie ?

Il n’y a pas de solution-miracle. C’est un travail sur soi très profond. Il faut savoir à se connaître et identifier là où le bât blesse. Dans ce sens, j’invite les personnes boulimiques à prendre un rendez-vous avec elles-mêmes. Il faut à ce moment-là s’offrir des moments de détente et avoir recours aux activités qui leur font plaisir. Aussi banales soient elles, elles revêtiront une grande importance du moment où elles feront sortir le patient de son cercle de stress et de tension. Et en conclusion il faut savoir qu’on ne vit pas pour manger mais on mange pour vivre.