«La boulimie au Maroc touche énormément de femmes»


«La boulimie au Maroc touche énormément de femmes»


Source : Aujourd'hui Le Maroc
Le 2011-01-30 N° : 2358
Article de Kawtar Tali



Selon la nutritionniste Bouchra Amsaguine Aouni, le travail sur soi est le seul remède à la boulimie. Ainsi, il faut savoir se connaître et identifier là où le bât blesse.

Que veut-on dire par boulimie ?

La boulimie reflète l’état d’une personne qui mange sans arriver à une satiété. C’est une sensation de faim continuelle. A force de manger, l’estomac commence à augmenter de volume, et ce pour recevoir les aliments qui arrivent en masse. Ce qui provoque souvent des sensations de nausées et de vomissements. Je tiens à préciser dans ce sens que la boulimie n’est ni héréditaire ni génétique. C’est un déséquilibre fonctionnel qui est le résultat d’un système environnemental défaillant.

Qu’est-ce qui explique cette obsession de manger ?

Généralement, toute personne normale a sa petite dose de stress et sa petite dose de joie. Ainsi, elle n’est pas censée être boulimique. Cependant, les boulimiques optent pour la nourriture en tant que système de compensation. Pour eux, le fait de manger est une expression de mal-être. On va mal donc systématiquement on mange et cela continue au point de devenir une obsession.

A quel âge se déclenche-t-elle?

La boulimie n’a pas une limite d’âge . On peut être boulimique à 3 ans comme on peut l’être à 40 ans. Tout dépend des facteurs environnementaux . Il suffit juste d’un élément déclencheur pour que la boulimie surgisse. D’après mon expérience, je dirai qu’on est plus boulimique à l’adolescence qu’à n’importe qu’elle étape de la vie. La personne, à ce moment là, est en quête de soi . Du coup elle ne se sent pas bien dans sa peau. Et par conséquence, elle compense son désarroi en mangeant.

Les vomissements sont-ils un symptôme déterminant ?

On peut être boulimique sans pour autant vomir. Les vomissements indiquent un autre stade de la boulimie. Lorsqu’on commence à vomir, cela veut dire clairement qu’on est entre l’anorexie et la boulimie. On passe au vomissement pour garder sa ligne ainsi la balance change de sens. C’est-à-dire on mange en grande quantité en contre-partie, on vomit plus qu’il n’en faut. Cela traduit une prise de conscience par rapport à son organisme, à soi et à son image. Ainsi, on se retrouve avec zéro calorie par jour tout simplement parce qu’on veut perdre du poids après des crises de boulimie.

Comment peut-on déterminer une crise de boulimie ? Et y a-t-il une composante hormonale qui rentre en jeu ?

Tout d’abord, il est utile de déterminer les signes précurseurs d’une crise de boulimie. Outre l’envie incessante de manger, la crise peut être précédée par des maux de tête.
De ce fait, on a envie de manger pour se sentir mieux. S’agissant de la composante hormonale, elle est apparente dans le fait que la boulimie soit relative à la période de la menstruation. Dans ce cas, la situation devient relativement compliquée. On ne peut pas résister aux hormones qui nous dévorent de l’intérieur. En somme les fréquentes crises de boulimie sont liées au stress. Donc, il faut apprendre à le gérer.

Les femmes sont-elles les plus exposées à la boulimie ?

La boulimie sévit équitablement. Mais elle reste relative au milieu où la personne se développe. Ainsi, là où on est mal servi on est exposé à la boulimie. Contrairement aux États- Unis, la boulimie au Maroc touche énormément de femmes. De par sa condition de vie précaire, la Marocaine a tendance à avoir une prédisposition à la boulimie. La femme marocaine continue toujours de se sacrifier pour son entourage sans pour autant prendre soin d’elle. De ce fait, la seule chose qu’elle pourra faire pour elle-même c’est de manger.

Y a-t-il des statistiques nationales dans ce sens ?

Non, pas à ma connaissance. Au Maroc, on ne peut avoir aucun chiffre sur lequel se baser pour prendre des décisions. On se réfère généralement à nos conclusions personnelles. Personnellement, je reçois beaucoup de femmes boulimiques. Sur le plan national, la femme n’a pas où se défouler à part les salles de sport et encore si elle a du temps à cela. De même, on a éduqué nos filles à encaisser tous les maux du monde sans émettre la moindre réaction. Malgré cela, elles sont toujours sujettes à des remarques négatives. Et par la suite, on se permet de la traiter d’obèse ou de grosse.
Tous ces facteurs détruisent la personne et la poussent à sombrer dans une boulimie. Après tout, on n’est pas boulimique gratuitement. Les blessures et la maltraitance sont tellement profondes qu’on peut les voir à l’œil nu. Donc pour ces personnes , le fait de manger apaise tous les maux.

Comment évaluez-vous l’impact de la boulimie ?

L’impact de la boulimie est considérable. La personne commence à prendre du poids, elle ne s’aime plus et culpabilise tout le temps. Cela va de pire en pire ce qui donne cette équation de «je mange, je grossis et je déprime». C’est un labyrinthe.

Quelles sont les thérapies appropriées à ce genre de maladie ?

Il n’y a pas de solution-miracle. C’est un travail sur soi très profond. Il faut savoir à se connaître et identifier là où le bât blesse. Dans ce sens, j’invite les personnes boulimiques à prendre un rendez-vous avec elles-mêmes. Il faut à ce moment-là s’offrir des moments de détente et avoir recours aux activités qui leur font plaisir. Aussi banales soient elles, elles revêtiront une grande importance du moment où elles feront sortir le patient de son cercle de stress et de tension. Et en conclusion il faut savoir qu’on ne vit pas pour manger mais on mange pour vivre.

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